Avant d’étudier l’architecture, Christophe Hutin vit plusieurs années en Afrique du Sud, au moment de l’élection du Président Nelson Mandela. Poussé à voyager après le lycée par l’envie d’apprendre l’anglais et de travailler, il participe à la construction de maisons, les observe et en tire l’ouvrage « L’enseignement de Soweto » 1. L’expérience lui fait prendre conscience de l’importance de l’espace pour les Hommes, et le décide à étudier l’architecture. Une fois obtenu le diplôme de l’école de Bordeaux, il décroche la bourse de l’association « L’Envers des Villes » et repart en Afrique du Sud étudier les bidonvilles. Il organise une série de workshops avec des architectes désormais connus de tous car récompensés pour leurs travaux : Francis Kéré et Carin Smuts.

De la justice des actions internationales

L’enseignement et la pratique vont de pair pour l’architecte. Il réalise des projets de maîtrise d’œuvre en France, et organise des ateliers internationaux pour les étudiants. Les exercices de workshops en Afrique du Sud se basent sur vingt ans de connaissances accumulées et partagées, le blog « Learning from » 2 dévoile les coulisses des actions. Il lui est difficile d’envisager d’autres pays pour travailler : « Tout doit être spécifique et tout doit être précis ». Il croit en une réciprocité des échanges, et met tout en œuvre pour la rendre effective. Les dispositifs de coopération tels que les « Saisons croisées » (sous l’égide de l’Institut Français) lui apportent la garantie que les étudiants sud-africains viennent également à leur tour étudier en France. C’est dans l’optique d’apprendre et non pas d’apporter des solutions qu’il entrevoit ses déplacements. Il tire des bénéfices de l’international au retour en France, en particulier sur les questions de participation qui, si elles sont en vogue en occident, sont ancrées dans les cultures locales des quartiers de Johannesburg.

De l’expérimentation à l’exportation

Christophe Hutin s’adresse une critique sur la réalisation d’un orphelinat à Johannesburg, qui montre bien les limites entre l’expérimentation et l’exportation. Une entreprise bordelaise intéressée par sa démarche expérimentale a offert plusieurs lampadaires solaires. En échange, un film documentaire de la pose lui a été fourni et a servi à une campagne publicitaire. Le groupe de matériaux de construction Lafarge a lui, financé 500m² de béton, sorti du centre de recherche, pour être testé. Les habitants le coulent, l’opération est un succès. Pourtant l’architecte préconise que « dans un pays où il n’y a rien, on [fasse] avec rien ! ». Entre la volonté d’agir, l’enthousiasme local, les avantages pédagogiques, et les règles économiques des marchés, des compromis semblent nécessaires. Certaines agences d’architecture ou entreprises de construction importent des conteneurs entiers de marchandises pour bâtir des objets voués à la dégradation, vu l’impossibilité de remplacer des pièces. L’architecte préfère expérimenter avec des projets modestes, tels des sanitaires, des cinémas de plein air, des améliorations d’espaces publics, plutôt qu’avec des projets démonstratifs.

1 Goulet Patrice, Hutin Christophe, L’enseignement de Soweto, Actes Sud, Paris, 2009
2 http://learning-from.over-blog.fr/

Portrait réalisé par Laura Rosenbaum – Architecte DEHMONP – Docteur en Sociologie