Olivier le Reun fait partie de ces personnes capables de synthétiser toutes les singularités de leur époque. Le jeune designer chez Guerlain, en charge du merchandising au département export de la marque, est également un des membres fondateurs du collectif VLNC regroupant de jeunes créatifs du monde entier. Avec franchise et enthousiasme, il décrit les premières étapes d’une carrière prometteuse.

Olivier, comment êtes-vous devenu designer ?

J’aimais beaucoup dessiner, et j’étais très sportif. Je pensais plutôt devenir kiné et pratiquer le dessin en tant que loisir car la BD ne me semblait pas offrir un avenir solide. Un seul lycée dans ma région avait une classe qui préparait au bac arts appliqués. J’ai déposé ma candidature sans vraiment y croire et j’ai été retenu. J’ai tout de suite aimé cette filière. On touchait un peu à tout : au design, au graphisme, à la micro-architecture, à la peinture, à la sculpture… J’ai passé mon bac en 2002.

Vous pensez que les parents, la famille jouent un rôle important dans les choix professionnels d’un jeune?

Dans mon cas oui. Pourtant, mes parents ne connaissent pas les milieux de la création. Ils n’appartiennent pas non plus à la bourgeoisie qui bénéficie d’un réseau étendu. Mais ils estiment que le travail est un élément fondateur d’une vie alors ils m’ont toujours soutenu. Ce sont eux lors d’un dîner chez des amis qui ont entendu parler de ce lycée avec une classe en arts appliqués. Ils m’ont aussi inscrit à des cours d’anglais quand j’avais six ans. Comme activité extrascolaires, j’avais droit au foot et à l’anglais ! Ceci dit, ils ont aussi posé leurs limites. Lorsque je leur ai dit que je voulais faire un Master recherche et embrayer sur un doctorat, ils ont mis le holà et je les comprends.

Vous avez suivi des études assez longues semble-t-il, pourquoi?

Au lycée, tout le monde savait à peu près ce qu’il voulait faire sauf un petit groupe dont je faisais partie. J’ai demandé conseil à mes professeurs et ceux-ci m’ont conseillé de m’inscrire dans un BTS design produit car le programme y était assez généraliste. Cela me permettait d’approfondir mes connaissances tout en me donnant un peu de temps pour réfléchir à ce que je voulais faire. J’ai choisi l’école des Herbiers en Vendée car j’avais remarqué lors d’une visite au Salon du Meuble à Paris que cette école avait un très grand stand. Il y avait beaucoup de partenariats noués entre l’école et les entreprises, et c’était très stimulant, mais je sentais que je n’avais toujours pas défini ce qui me plaisait vraiment. Puis, j’ai passé une licence professionnelle en packaging à Morlaix. Pour être honnête, cela ne m’intéressait pas plus que ça, mais mes parents avaient besoin d’être rassurés, le packaging, c’était concret.

Qu’est-ce que vous a apporté cette licence professionnelle en packaging ?

Si je n’y ai pas découvert ma voie, j’ai appris beaucoup de choses sur les techniques de commercialisation – concevoir et aussi vendre un emballage – qui me sont encore très utiles aujourd’hui chez Guerlain. Je me suis ensuite inscrit en licence de design et communication à l’université de Bordeaux. Les cours sont répartis entre l’université et l’école nationale supérieure d’architecture de Bordeaux. Le responsable de la formation est Marc-Antoine Florin, architecte et designer. Il a été d’ailleurs le premier designer pensionnaire à la Villa Médicis. Mon travail de mémoire « Dentelle et Architecture », jetait les bases d’une réflexion sur les liens entre l’architecture et le design. C’était également pour moi une façon de rendre hommage à ma grand-mère dentellière. Ce mémoire a beaucoup circulé en et on m’a conseillé de m’inscrire à l’école nationale supérieure d’architecture de Grenoble afin d’y passer un DPEA.

Qu’est-ce qu’un DPEA ?

C’est un diplôme que l’on obtient après deux années de formation. Il est spécifique aux écoles nationales supérieures d’architecture en France et permet d’approfondir ses connaissances dans une discipline particulière et de l’intégrer dans une perspective de réflexion architecturale. Actuellement, il en existe neuf. A l’école nationale supérieure d’architecture de Grenoble, le DPEA a pour objet l’étude des liens qui peuvent exister entre architecture et design. Le DPEA fonctionne comme un laboratoire de recherche sur des projets qui durent six mois, huit mois, un an, avec une production à l’échelle 1. Dans les vingt-cinq étudiants que compte chaque promotion, on rencontre pas mal d’étrangers car l’ENSAG a développé de nombreux partenariats à l’international et a su s’appuyer sur le rayonnement de Grenoble, ville bien plus connue dans le monde que je n’avais pu le soupçonner.

A la fin de vos études, vous avez été confronté à un choix difficile, rester à Grenoble et ouvrir votre société ou exercer vos compétences à Paris comme salarié ?

Je me suis lié d’amitié avec un étudiant de ma promo, un Thaïlandais, docteur en architecte ?, brillant et sympa. En deuxième année, un promoteur immobilier de la station de ski Flaine nous a demandé de rénover et restructurer des appartements initialement conçus et réalisés par Marcel Breuer. Avec le recul, je reste épaté par ce que nous avons fait. Le promoteur immobilier nous a ensuite proposé de monter notre agence en nous donnant même un local. La proposition était très tentante, mais je n’étais pas encore mature et mon binôme devait retourner en Thaïlande. Sur le moment, c’était vraiment dur de décliner son offre, mais je savais que c’était prématuré. J’en conserve un très agréable sentiment de satisfaction lié au travail bien fait.

 

A suivre…